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La stratégie logement du gouvernement, un révélateur de la stratégie libérale de Macron

Publié le lundi 30 octobre 2017

Ces derniers mois, Emmanuel Macron a chargé Édouard Philippe et son gouvernement d’élaborer sa « stratégie logement » à marche forcée, sans aucune concertation avec les acteurs du logement social et privé ou les associations de locataires.

Décrets du 28 septembre qui entérinent la baisse de cinq euros par mois des APL, article 52 du projet de loi de finances qui fait drastiquement baisser le budget total de l’aide au logement par une ponction financière des organismes HLM de plus d’1,7 milliards… remettant ainsi en cause et le modèle HLM et la dynamique de construction de logements.

Face à tant de diligence, et à un tel refus de dialoguer, je me suis interrogé : le gouvernement péchait-il par ignorance de ce secteur public vital pour les familles modestes, vital pour le secteur du bâtiment ? En agissant de la sorte, s’agissait-il d’une simple méconnaissance d’un secteur par certains côtés technique et difficile à appréhender ? Compte tenu de la grande compétence de ces gens, qui nous éblouissent tous les jours de leur pensée complexe, je n’ai pas pensé cela très longtemps. J’en suis venu à entrevoir un vrai projet de société.

Car après l’annonce du « big bang territorial », qui prévoit la disparition de plusieurs départements, de leurs missions de solidarité et des services de proximité qui vont avec, l’exemple du logement nous le prouve une nouvelle fois : Emmanuel Macron et Julien Denormandie savent très bien ce qu’ils font.

Leur but est tout simplement d’engager la privatisation du logement public. Un logement HLM, ce n’est rien d’autre que le bien public, le bien commun de la nation au service des générations actuelles et futures. Or, le fait que chacun puisse, à la hauteur de ses moyens, accéder à un logement digne, voilà ce qu’est le progrès social. Aussi, in fine, c’est bien le patrimoine de ceux qui n’ont rien d’autre qui est visé par les macronistes.

De quoi s’agit-il au fond ? Emmanuel Macron et ses ministres veulent que notre patrimoine HLM devienne un objet financier, qui puisse être acheté et vendu – avec les intérêts – par les investisseurs. A développer le champ lexical de la rentabilité, ils font insidieusement de nos esprits des terrains favorables. Car le but inavoué de cette réforme est bien de réorganiser le marché immobilier en marché financier, au détriment du droit au logement pour tous.

Sous l’intention de « donner une valeur vénale au patrimoine » que certains nomment d’ores et déjà « titrisation du patrimoine » se profile une idéologie très dangereuse pour le logement social.

Dès lors que le patrimoine HLM deviendra un objet financier, les propriétaires de titres réclameront en effet des rémunérations importantes. Ces rémunérations seront prélevées sur les moyens des HLM, ce qui se fera au détriment de la gestion, de la rénovation et de la construction de nouveaux logements. Cela ne peut donc pas être une solution économique.

A tous ceux qui disent qu’Emmanuel Macron propose des solutions novatrices, qu’il réalise une synthèse entre ce qui fonctionne à gauche et à droite, nous répondons qu’il ne s’inspire en réalité que des politiques vieilles de plus de trente ans.

En particulier, son plan logement n’est pas sans rappeler les années 1980 en Grande-Bretagne. Quand Julien Denormandie annonce vouloir « permettre aux locataires du parc d’acquérir leur logement s’ils le souhaitent  », on pense aux réformes de Margaret Thatcher et des conservateurs britanniques qui avaient lancé un vaste programme de rachat de logements sociaux. Deux millions de logements avaient ainsi été vendus, ce qui avait réduit l’offre locative sociale et la mixité. En effet, les locataires les plus aisés ont acquis les logements de meilleure qualité, les plus précaires ayant dû se contenter du reste.

Le bilan de cette politique libérale en matière de logement au Royaume-Uni ? Selon l’ONG Shelter, il se soldera par un million de SDF sur le sol britannique d’ici à 2020.

Est-ce cela que nous voulons pour la France ?

Qui ne voit pas qu’à ce compte-là, d’autres secteurs pourraient être concernés ? On pense nécessairement à notre système de santé et à la Sécurité sociale, mais aussi aux retraites…

Déjà certaines voix (dont Anne Bourdu, conseillère municipale de Colombes, Parti Libéral Démocrate) s’autorisent à dénoncer « la Sécurité sociale comme un vestige communiste de 1945 » [sic]. Il faut bien quelques éclaireurs illuminés pour préparer la prochaine offensive !

Le lien vers ma tribune : https://www.marianne.net/debattons/tribunes/la-strategie-logement-du-gouvernement-un-revelateur-de-la-strategie-liberale-de