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« Européennes » : pourquoi il faut se mobiliser

Publié le samedi 13 avril 2024

Les Européennes, un premier tour des élections présidentielles de 2027 ? Faire du scrutin européen un premier tour fictif d’une élection à l’échéance encore lointaine me paraît être un argument insuffisant pour mobiliser. Certes, les élections présidentielles sont l’alpha et l’oméga de notre vie politique en ce qu’elles sont les plus déterminantes dans la Vème République, et on peut le déplorer. Mais rabaisser le prochain rendez-vous démocratique européen à un simple tour de chauffe dans la « course de petits chevaux » à laquelle certains veulent se livrer, notamment à gauche, c’est passer à côté des enjeux qui se posent ici et maintenant pour les Françaises et les Français, et bien sûr pour les Européennes et les Européens.

Il y a d’abord la nécessité, à travers nos bulletins de vote, d’envoyer un avertissement puissant aux gouvernements qui préparent une nouvelle offensive sociale. Car c’est bien une guerre sociale, contre les plus vulnérables, contre les catégories populaires mais aussi contre les classes moyennes que mène et va amplifier le gouvernement français après les Européennes.  Les mots employés sont forts. Mais comment qualifier autrement une politique qui a systématiquement réduit les droits sociaux et dévalorisé le travail ? Ordonnances travail de 2017, double réforme de l’assurance-chômage, réforme des retraites, réforme du RSA : quelle autre désignation donner à cette terrible litanie de « réformes » qui sont autant de régressions sociales ?

Et la potion après les Européennes promet d’être encore plus amère. Gabriel Attal fait planer la menace d’une énième réforme de l’assurance-chômage qui réduirait la durée d’indemnisation. Mais, dans les cartons, il y a aussi cette véritable mesure de casse sociale : la suppression de l’allocation spécifique de solidarité (l’ASS), qui permet aujourd’hui à des ménages de survivre quand on a épuisé ses droits à l’assurance chômage. Sans oublier le détricotage prévu de la loi SRU alors que notre pays traverse une crise du logement d’une ampleur inouïe.

Surtout, se profile une véritable cure d’austérité : 10 milliards d’euros à trouver, la faute à un déficit plus élevé qu’attendu. Qu’ont prévu les pères la rigueur à Matignon et à Bercy, qui sont, rappelons-le, comptables de cette situation ? La même vieille recette que d’habitude.

Non, ils n’iront pas chercher cet argent dans les superprofits réalisés par des multinationales pendant la crise sanitaire ou énergétique, quand d’autres pays, pourtant au libéralisme économique plus affirmé encore, comme les Etats-Unis, ont avancé dans cette direction. Cette taxation des superprofits était d’ailleurs l’objet d’une proposition de loi du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, un texte qui a été, bien entendu, écarté d’un revers de main par les macronistes et leurs alliés.

Non, ils ne reviendront pas sur la suppression de l’impôt sur la fortune qui non seulement est un manque à gagner colossal pour nos finances publiques – 4,5 milliards en 2022 – mais n’a manifestement pas d’impact positif sur notre économie, comme l’a démontré un rapport de France Stratégie, organisme rattaché au Premier ministre et donc peu soupçonné d’être une officine marxiste ! Preuve que la théorie libérale du « ruissellement » est bel et bien une fable néolibérale.

A la place, comme avec la réforme des retraites, comme avec la réforme de l’assurance-chômage qui se prépare, ils préfèrent faire passer à la caisse les plus modestes. Avec une devise qui ressemble beaucoup à ce trait d’humour d’Alphonse Allais : « Il faut prendre l’argent là où il se trouve, c’est-à-dire chez les pauvres. D’accord, ils n’en ont pas beaucoup mais ils sont les plus nombreux » !

Des ballons d’essai sont aussi lancés ici et là avant d’être temporairement démentis : instauration d’une TVA sociale ou menace sur les livrets A – l’épargne populaire par excellence – et les assurances vie. Il flotte dans l’air le spectre d’un matraquage fiscal qui n’épargnera pas les classes moyennes. On devine quelle direction pourrait prendre la très floue « taxation des rentes » qu’évoque Gabriel Attal. Manifestement pas celle des dividendes ou des revenus stratosphériques des ultra-riches, puisqu’y toucher s’avère être le tabou ultime de ce gouvernement.

Surtout, ce gouvernement va s’adonner à son sport favori : couper dans les budgets de nos services publics, qui sont déjà au bord de la rupture. L’école, l’enseignement supérieur, l’hôpital ou encore la justice : partout, les coutures sont en train de craquer devant des besoins qui ne cessent de croître et des moyens qui ne suivent pas.

En définitive, malgré leur piètre bilan, Bruno Le Maire et Gabriel Attal s’imaginent en « Mozart de la finance », donnant des leçons d’économie à la terre entière, mais ils ressemblent davantage à des Diafoirus, ce médecin pédant et incompétent dans le Malade imaginaire de Molière, qui administre des saignées inutiles et extrêmement dangereuses à ses patients.

Quel rapport avec les Européennes pourra-t-on se demander ? Au-delà du signal que nous pouvons envoyer sur le plan national, il y a aussi la possibilité d’infléchir le tour de vis austéritaire qui se prépare également au niveau européen. Car le 17 janvier dernier, le Parlement européen a approuvé la réforme du Pacte de stabilité qui prévoit le retour de mesures insupportables de rigueur budgétaire.

Les élections européennes sont justement l’occasion de redessiner le rapport de force au sein de cette assemblée. C’est aussi l’orientation du Parlement européen qui déterminera la coloration politique de celui ou celle qui dirigera la Commission européenne, qui a un rôle majeur dans l’équilibre des pouvoirs au sein de l’Union européenne. Et avoir à la tête de la Commission un socialiste comme Nicolas Schmitt, qui s’est battu par exemple pour le droit des travailleurs des plateformes numériques comme Uber, ou une libérale-conservatrice comme Ursula Von Der Leyen, ce sont évidemment deux options de politiques européennes assez radicalement différentes et qui auront des conséquences concrètes sur le quotidien de l’ensemble des Européennes et des Européens.

Or, des brèches sont en train de s’ouvrir au niveau européen avec des progrès réalisés en matière de mutualisation des dettes, de justice fiscale ou de transition écologique. Nous devons nous y engouffrer, les amplifier, et non laisser les droites européennes continuer à dérouler leur programme de dérégulation, de libéralisation et d’orthodoxie budgétaire qui a déjà jeté nos pays dans l’ornière.

Par ailleurs, dans un ordre international instable, avec la guerre en Europe et un Vladimir Poutine plus que jamais menaçant, avec le carnage en cours à Gaza par Netanyahu, avec la possible réélection de Donald Trump, il nous faut aussi des députés européens fermement opposés aux ingérences étrangères de toute nature et qui défendent avec vigueur les principes du droit international face aux crimes de guerre qui sont commis en Ukraine ou à Gaza. C’est pourquoi il est important d’envoyer le plus gros bataillon possible de députés de la famille des socialistes et des sociaux-démocrates et c’est pourquoi je soutiens la liste du Parti Socialiste et de Place Publique conduite par Raphaël Glucksmann.

Enfin, l’autre enjeu de ces élections est aussi de ne pas céder un pouce de terrain à l’extrême-droite. Cela veut dire aller voter en masse pour faire déjouer les sondages. Mais aussi, à chaque fois, dénoncer l’escroquerie de son programme soi-disant « social », et surtout le risque immense qu’elle fait peser sur la cohésion de notre société et sur nos principes républicains. Et cela veut donc dire aussi à gauche ne pas se tromper d’adversaire : évitons le spectacle affligeant des déchirements entre les listes de gauche. Les phrases assassines et définitives pour grappiller un ou deux points nous éloignent de ce qui doit mobiliser toutes nos énergies : rassembler demain la gauche pour offrir une alternative au macronisme, avec ses conséquences sociales dévastatrices, et à l’extrême-droite qui se nourrit de cette dévastation.