Marianne

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Ma tribune : faire face aux vents mauvais

Publié le lundi 16 octobre 2023

Depuis samedi 7 octobre, les images qui parviennent d’Israël suite à l’attaque terroriste du Hamas nous effrayent par leur barbarie. Des féminicides, des exactions dans les foyers, des enfants kidnappés, une tuerie dans un festival pour la paix plein de jeunes libres de s’amuser… C’est effroyable et nous pensons aux victimes, à leurs proches, à la société israélienne choquée. Nous sommes en deuil à leurs côtés.

Depuis plusieurs jours, nous observons avec angoisse la riposte du gouvernement israélien d’extrême-droite et le chaos qui touche la population palestinienne de Gaza. Israël a le droit de se défendre, mais nous ne pouvons accepter qu’un Etat démocratique agisse en dehors du droit international et réponde à des crimes contre l’humanité par des crimes de guerre. Nous ne pouvons accepter cette punition collective, cette vengeance aveugle qui tue civils et enfants, qui prive d’eau et d’électricité, qui organise le blocus et empêche toute aide humanitaire.

Depuis vendredi, en France, l’effroyable assassinat de Dominique Bernard, professeur de lettres dans son lycée par un individu se réclamant du djihad islamiste est venu brutalement nous rappeler que notre pays est toujours sous la menace terroriste.

La mort de cet enseignant est une attaque contre notre école républicaine et sa promesse, celle de l’émancipation et de la formation d’esprits libres.

Comme hier avec l’attentat au Bataclan, qui s’en prenait à une jeunesse libre de ses loisirs et de ses choix, au policier Ahmed Merabet ou celui antisémite de l’hyper casher, les terroristes et leur idéologie meurtrière choisissent leurs cibles : ils sont enseignants, ils sont policiers, ils sont juifs, ils sont jeunes et libres. Ils sont journalistes aussi. Ils meurent, victime d’une idéologie intégriste qui ne veut ni de liberté, ni d’égalité, ni de laïcité, ni de fraternité.

Face à ces évènements qui s’enchaînent, notre pays lui-même semble vaciller. Car oui, depuis toujours, notre société résonne des histoires diverses et mêlées des hommes et des femmes qui la composent. Sa cohésion est mise à l’épreuve par un conflit du Proche-Orient vécu ici avec intensité et passion. Car ce conflit, qui puise ses racines dans les histoires ancestrale et récente, dépasse depuis longtemps les limites du Proche-Orient. Et quand, en même temps, un enseignant est assassiné, c’est notre projet politique qui est atteint.

Dans ce moment, après le deuil et le recueillement, quand la société se tend, quand s’ajoute à l’incertitude de la fin du mois, l’incertitude d’un monde de plus en plus instable, que doivent faire les responsables politiques ?

Confondre, parler pour exister ? Mal nommer et ne pas dénoncer ? Pire encore, diviser en France pour stigmatiser une communauté ? Au final, les responsables politiques doivent-ils suivre les vents mauvais ? L’instrumentalisation de débats complexes pour régler des comptes, pour faire de la toute petite « politicaillerie » interne aux partis, pour « mijoter leurs petites querelles et faire cuire leur petite soupe » comme aurait dit De Gaulle, est insupportable.

Je suis atterré par la faiblesse du débat politique, par notre faiblesse collective. Comment appeler à la responsabilité quand la classe politique elle-même, ne sait plus se parler ? Je ne me sens pas comptable des débats à droite encore moins de l’insupportable instrumentalisation qu’est en train de pratiquer l’extrême-droite. Regardez ce député dirigeant de l’extrême-droite raciste menacer, intimider, provoquer publiquement, sans retenue aucune, le député Belkhir Belhaddad.

Les vents mauvais soufflent sur notre pays.

Je me sens néanmoins responsable quand ma famille politique ne sait plus se parler, au point de devoir annuler les espaces démocratiques de dialogue et de débat par crainte des petites querelles politiciennes.

Il est temps pour la Gauche de s’élever à la hauteur de la gravité du moment que nous traversons.

Je crois qu’il est possible de faire entendre une voix. Notre responsabilité dans ce moment : rassembler, refuser l’importation du conflit israélo-palestinien en France, refuser que les musulmans de notre pays soient sommés de se justifier. Nous devons continuer inlassablement à rappeler quelles sont les voies de la paix au Proche-Orient, sans simplification ni naïveté, sans mensonge, avec responsabilité.

Car, face à la droite et à l’extrême-droite – entre lesquelles les frontières sont désormais de plus en plus poreuses- nous devons consolider la digue, faire bloc ensemble, rester unis et solidaires pour éviter de sombrer dans une spirale infernale dans laquelle notre pays perdrait les valeurs qui font sa force. Il en va de la concorde et de la paix civile en France.