ecole

Partagez cet article sur les réseaux sociaux

Tribune de Stéphane Troussel, président de la Seine-Saint-Denis, et Mathieu Klein, président de la Meurthe-et-Moselle

Publié le vendredi 22 mai 2020

Gratuite, laïque et…obligatoire.
Voilà ce qu’était la devise de l’école publique jusqu’au 18 mai 2020.
 

Pour une durée indéterminée, les départements classés « rouges » sur la carte de France du Covid-19, et notamment ceux que nous présidons, voient se profiler une crise éducative qui s’ajoute à la crise sanitaire et sociale.

Selon une enquête SynLab menée en ligne du 25 au 28 avril auprès de 1 001 enseignant.e.s d’établissements primaires et secondaires, 12% des élèves n’ont pas eu d’échange avec eux.elle depuis le début du confinement. Pour les enseignant.e.s de collèges des REP (réseaux d’éducation prioritaire) ce taux monte à 26%.

Autre chiffre inquiétant : celui des élèves qui « paraissent désengagé.e.s de leur scolarité » : ils.elles seraient en moyenne 19% selon les enseignant.e.s répondant.e.s.

Dans cette catégorie, un taux maximum est atteint en REP, dont les enseignant.e.s estiment à 32% le nombre des élèves désengagé.e.s.

Si la période de confinement a contribué à creuser les inégalités scolaires, le « déconfinement » en ordre dispersé qui s’amorce renforce notre inquiétude à l’endroit des enfants déjà éloigné.e.s de l’école dont les familles sont aussi les plus réticentes au retour progressif et volontaire à l’école, notamment par crainte pour leur sécurité.

Nous sommes aussi inquiet.e.s des conséquences pour les enfants suivi.e.s par l’Aide sociale à l’enfance ou même pour celles et ceux pour qui l’École est un capteur de leurs difficultés à la maison.

Nous ne pouvons pas nous résoudre à voir se rapprocher le 2 juin, sans savoir s’il ne se transformera pas en 2 septembre. Pour certain.e.s élèves, 5 mois et demi sans collège sera une fracture impossible à résorber.

C’est pourquoi nous avons proposé, dès le début du confinement, d’organiser dans nos départements un accompagnement personnalisé des élèves les plus en difficulté, sur la base de petits groupes encadrés par des enseignant.e.s et des intervenant.e.s volontaires, au sein des pôles qui accueillent depuis mars les enfants des personnels soignants.

Réponse négative, l’État ferme la porte.

Bien entendu la priorité que nous partageons, c’est la sécurité sanitaire des élèves et des personnels des établissements scolaires.

Mais parce que nous n’avons pas pour habitude de nous cacher derrière notre petit doigt, ni de renoncer à notre ambition éducative, nos Départements ont pris des engagements :

  • Un protocole sanitaire respectant scrupuleusement les recommandations nationales,

  • des agent.e.s techniques de retour dans les établissements pour se former aux nouveaux gestes et les appliquer,

  • des masques pour les élèves et les agent.e.s du Département,

  • une restauration adaptée pour enrayer la précarité alimentaire qui s’est considérablement accrue ces deux derniers mois,

  • des transports scolaires « cousus-main », opérationnels et respectant scrupuleusement les règles de distanciation physique.

  • des actions à engager pour proposer des contenus artistiques, culturels, sportifs et ludiques en appui aux équipes éducatives avec des partenaires de l’Éducation.

Aujourd’hui, nous sommes prêt.e.s, nous n’attendons qu’une chose : que l’État fasse du décrochage scolaire sa priorité éducative et s’en donne les moyens.

Oui les professeur.e.s doivent être équipé.e.s de masques et de tous les équipements de protection individuels nécessaires.

Oui, les emplois du temps doivent être refondus.

Oui les apprentissages doivent être adaptés.

Oui, de nombreux.ses enseignant.e.s sont volontaires pour assurer cette mission première.

Oui les équipes pédagogiques ont déjà posé les constats.

L’idée n’est pas de renvoyer 100% des collégien.ne.s, le même jour, dans tous les collèges, mais de permettre un retour pour des petits groupes d’élèves prioritaires, dont celles et ceux qui sont décroché.e.s, et qui, pour des raisons sociales et éducatives, en ont le plus besoin.

Dans ces conditions, et en appliquant les gestes barrières, s’il est possible de rouvrir les écoles, nous avons non seulement la capacité mais aussi le devoir de rouvrir les collèges pour les enfants qui en ont le plus besoin !

C’est pour cette raison que nous plaidons pour qu’un retour au collège ciblé et progressif soit envisagé dès maintenant, dans TOUS les départements, verts ou rouges.

Aujourd’hui, de nombreuses voix en plus des nôtres s’élèvent pour réclamer un retour à l’école : des pédiatres notamment alertent sur les risques sociaux et psychologiques de plusieurs mois sans école. Il est temps de répondre.

Au-delà de l’urgence actuelle, il faudra aussi que nous nous penchions collectivement sur la suite : quels sont les moyens pour la rentrée 2020–2021 ? Nous ne voyons rien venir, et pourtant nous serons tôt ou tard confronté.e.s aux conséquences sociales et éducatives du confinement.

Qu’attendons-nous pour nous préparer ?