Retraites

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Réforme des retraites : un nouvel enfumage du gouvernement ?

Publié le jeudi 16 janvier 2020

C’était cousu de fil blanc. Après avoir agité pendant des semaines le chiffon rouge de l’âge pivot, le gouvernement a annoncé samedi son retrait « provisoire » pour mieux faire passer en bloc une réforme dont on ne cesse de dénoncer le caractère foncièrement injuste. Ce soi-disant compromis n’apparaît, en réalité, ni plus ni moins que comme une nouvelle et grossière opération d’enfumage.

Tout d’abord, parce que ce retrait est provisoire. Les partenaires sociaux ont jusqu’au mois d’avril pour trouver une alternative à cette mesure d’âge pivot. Or, les conditions fixées par le gouvernement sont si contraignantes – interdiction de toucher aux cotisations sociales – que cette concertation risque fort de s’acheminer vers une impasse. Et si aucun accord n’est trouvé, le gouvernement reprendra la main et la tentation sera grande de réintroduire une mesure d’âge. Ce même procédé consistant à mettre les organisations au pied du mur a déjà été utilisé pour l’assurance chômage. Avec les résultats que l’on connaît : un véritable « massacre », puisque la moitié des chômeuses et des chômeurs indemnisé.e.s ont vu leurs droits diminuer ou tout simplement supprimés.

Ensuite, parce que c’est toujours la même logique purement comptable et injustifiée qui préside à cette réforme. Il est demandé de réaliser 12 milliards d’économies sur le dos des futur.e.s retraité.e.s pour remettre à flot un système des retraites qui serait au bord de l’effondrement, si l’on prend au sérieux les Cassandre de la macronie. Mais cet alarmisme du gouvernement est une mascarade : notre système, aujourd’hui, est à l’équilibre ! Le déficit prévu à l’horizon 2025, tout à fait absorbable, est le résultat des mesures que le gouvernement a prises : non compensation des exonérations de cotisations sociales, ou encore réduction du nombre de fonctionnaires.

La vérité, c’est que le gouvernement obéit à un raisonnement implacable : maintenir la même part du PIB (14%) consacrée aux retraites, alors que le nombre de retraité.e.s va augmenter. Le résultat est mécanique : les pensions vont baisser car plus de personnes devront se partager le même gâteau. Dans ces conditions, lors de la fameuse concertation de financement, il s’agira pour les partenaires sociaux de décider non pas si les futurs retraité.e.s vont être tondu.e.s, mais de quelle façon.

Enfin, parce que le principe d’un âge d’équilibre – autre nom de l’âge pivot – est toujours présent dans la réforme ! Il concernera les départs à la retraite après 2027 et constituera, pour reprendre la phraséologie technocratique du Premier ministre, «  un des leviers de pilotage collectif du système dans la durée ». Traduction : l’âge de départ pour une retraite à taux plein pourra être reculé indéfiniment, au gré des volontés de faire des économies des gouvernant.e.s.

Faire travailler les Françaises et les Français toujours plus longtemps. Voilà le modèle de société qui est nous est proposé, alors que notre espérance de vie en bonne santé stagne, alors que le progrès social a toujours été une lutte opiniâtre pour gagner du temps sur le travail, alors que nous devons prendre en compte de nouveaux impératifs écologiques.

La réalité est que nous ne sommes toujours pas sorti.e.s du grand flou qui entoure cette réforme dite « à points ». Tandis que les député.e.s vont prochainement débattre du projet de loi, il n’existe actuellement aucun simulateur sérieux pour donner aux Françaises et Français une idée de ce qu’ils toucheront à la retraite.

Chacune et chacun peut nourrir légitiment de vives inquiétudes quand elle ou il se penche sur le nouveau mode de calcul, qui sera défavorable pour tout le monde. Il n’y a pas besoin d’être énarque pour comprendre l’arnaque : si on calcule les retraites sur la totalité de la carrière plutôt que sur les 25 meilleures années dans le privé ou sur les 6 derniers mois dans le public, le niveau des pensions va mathématiquement baisser. Les personnes aux carrières hachées seront les plus touchées, au premier chef les femmes. Raisonnons par l’absurde. Pourquoi, si cette réforme ne faisait que des gagnant.e.s, le gouvernement a-t-il repoussé son application ? Pourquoi avoir introduit des dérogations pour certaines catégories ? Pourquoi faudra-t-il distribuer des primes aux enseignant.e.s pour ne pas qu’elles ou ils perdent au change ? Sans parler de la valeur du point, qui a fortes chances de servir de variable d’ajustement pour baisser les pensions.

Enfin, sur la pénibilité, le gouvernement réfléchit encore à des pistes pour la prendre en considération. C’est surréaliste : deux ans de concertation pour n’aboutir à rien sur un sujet aussi fondamental. Rappelons qu’aujourd’hui un ouvrier vit en moyenne treize ans de moins qu’un.e cadre. Surtout, comment faire confiance à un gouvernement qui s’est empressé en 2017 de supprimer quatre critères de pénibilité aussi pertinents que le port de charges lourdes ou les postures pénibles ?

D’effets de manche communicationnels en entourloupes, le gouvernement joue avec le feu et entame sa crédibilité aux yeux des Françaises et des Français. La confiance semble rompue alors qu’elle est essentielle pour une réforme aussi importante que celle des retraites.

Nous ne pouvons rester dans le statu quo au regard des inégalités qui existent dans le système actuel. Un autre chemin est possible, pour plus de justice et d’égalité, plutôt que cette révision de fond en comble de notre système qui est certes imparfait mais qui permet à la France d’être un pays d’Europe où le taux de pauvreté des plus de 65 ans est le plus bas. Améliorons ce système sur différents points cruciaux, comme par exemple sur la pénibilité, en rétablissant les 4 critères de pénibilité, ou en permettant des départs anticipés. Agissons sur la revalorisation des petites retraites, pour que les travailleur.se.s modestes ne deviennent pas des retraité.e.s pauvres. Agissons encore pour l’égalité femmes-hommes, qui doit être l’une de nos boussoles pour une société plus juste et plus équilibrée.

Les pistes de travail ne manquent pas pour un système à la fois plus équitable et plus efficace. Les parlementaires du Parti Socialiste ont présenté mercredi leurs propositions pour une réforme juste du système de retraites (https://www.parti-socialiste.fr/retraites-pour-une-reforme-juste/). La réforme doit avoir lieu, mais pas celle-ci, pas de cette manière-là. C’est pourquoi le soutien à la mobilisation qui perdure, plus d’un mois après son lancement, est plus important que jamais. Face au jusque-boutisme et aux tentatives d’enfumage de ce pouvoir exécutif aux abois, nous ne devons rien céder.