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Grand débat national : la fausse route de la « baisse des impôts » plutôt que celle de la justice fiscale

Publié le mercredi 10 avril 2019

Deux mois et quelques centaines de milliers de contributions après son lancement pour éteindre le feu de la contestation du mouvement des gilets jaunes, le « grand débat national » vient à son terme. Si le discours du président de la République est à présent attendu comme le Messie, le pouvoir exécutif a commencé à donner quelques pistes bien peu enthousiasmantes.

Jugeons-en par le discours d’Édouard Philippe, lundi après-midi : le Premier ministre aurait entendu les attentes des Françaises et des Français, et celles-ci pour lui passeraient irrémédiablement par une baisse des impôts. Ce faisant, le chef de l’exécutif censé « conduire les affaires de la Nation » au sens de notre Constitution accrédite une idée à la fois vieille et bien connue selon laquelle il faudrait moins d’État, et donc moins d’impôts, car l’initiative privée ferait mieux avec moins.

Or ce sont précisément ces orientations idéologiques – car il s’agir bien d’idéologie – qui font que la France, de même que la majorité des sociétés occidentales, vont dans le mur depuis des décennies à la fois en matière économique, sociale et écologique. Moins d’impôt, c’est moins d’État, moins de services publics, moins de protection sociale, moins de régulation vis-à-vis des entreprises qui se gavent sur nos ressources naturelles, et donc moins de protection de la planète.

Il y a une ironie particulière à ce que le Premier ministre ait lancé cet appel absurde à baisser les impôts alors qu’hier avait lieu la première lecture du projet de loi de taxation des GAFAM (acronyme pour les géants du numérique que sont Google, Apple, Facebook et Amazon) en séance publique à l’Assemblée nationale. Plutôt que de jeter l’opprobre sur les défenseur.ses des impôts, rappelons leur rôle premier pour financer les services publics, ainsi que l’importance de la redistribution sociale et fiscale.

En la matière, il semble y avoir dans le discours du Premier ministre une confusion – volontaire – entre baisse des impôts et justice fiscale. Plutôt que de toujours faire la chasse aux allocataires et autres Français.es modestes, rappelons l’urgence de mettre davantage de moyens dans la lutte contre la fraude et la triche fiscales, alors qu’en 2017 ces mêmes GAFAM ont réalisé 9,4 milliards d’euros de chiffre d’affaire non déclarés rien qu’en France.

À ce sujet, on peut critiquer le manque d’ambition du projet de loi dont l’examen a débuté hier, et dont le dispositif – taxe de 3% sur les bénéfices publicitaires – ne rapportera que 400 millions d’euros à l’État français. En comparaison, si les GAFAM étaient taxés à 33% selon le taux d’impôt sur les sociétés français, cela rapporterait à l’État 623 millions de recettes fiscales en plus !

En définitive, on constate une nouvelle fois que les annonces gouvernementales font fausse route, entérinant une idéologie qui a fait tant de mal à notre pays et à notre planète, et qui continue d’en faire.