« Grand débat national » : campagnard·e·s et banlieusard·e·s, mêmes combats
Publié le mardi 8 janvier 2019
A première vue, tout semble opposer le Gers et la Seine-Saint-Denis. Présidents de ces deux départements, nous avons en tête les chiffres qui illustrent cette dissemblance. Le nombre d’habitant·e·s dans le Gers est d’un peu plus de 190 000, quand il dépasse 1,6 million en Seine-Saint-Denis. Les moins de 25 ans représentent 35,6% de la population du 93, et seulement 21% dans le Gers. A l’inverse, les plus de 75 ans ne sont qu’un peu plus de 5% en Seine-Saint-Denis, quand leur nombre dépasse les 15% dans le Gers.
Habitant·e·s des villes, habitant·e·s des champs, la fatalité serait-elle que nous ne puissions jamais unir et porter nos revendications ensemble ?
A l’heure où doit commencer le « grand débat national » annoncé par un exécutif mis dos au mur par une colère ancienne, attisée par des décisions récentes, nous pensons au contraire que les préoccupations exprimées sur les ronds-points par les gilets jaunes ne sont pas si éloignées de celles des habitant·e·s des quartiers populaires lors des émeutes de 2005, ni de celles des territoires ruraux. Plutôt que de nous évertuer à exacerber les différences réelles, au risque d’accentuer les fractures, nous préférons nous concentrer sur ce qui nous rassemble et sur la nécessité de répondre aux mêmes urgences.
Quand les services publics de proximité, bureaux de poste, centres des impôts, écoles, ferment tour à tour dans le Gers, quand il est difficile voire impossible d’avoir accès à un médecin dans certains quartiers de la Seine-Saint-Denis, quand les fins de mois surviennent de plus en plus tôt, quand les injustices flagrantes entre une minorité qui possède tout et une majorité qui subit tant deviennent insupportables, force est de constater que les aspirations et les besoins de nos compatriotes sont faits du même métal.
Le renforcement et l’adaptation des services publics, l’accès à l’emploi, à l’éducation, au logement, à la santé, à la culture, l’exigence démocratique et citoyenne, la transition écologique et énergétique, l’innovation sociale, la demande de justice et de dignité sont finalement des ambitions communes autour desquelles nous pouvons nous réunir et que nous devrons porter dans la perspective du grand débat national.
Il faut remettre, durablement, un nouveau pacte républicain au cœur des relations entre les citoyen·ne·s et leurs représentants. Pour une majorité de nos compatriotes, le pacte républicain et démocratique ne constitue plus aujourd’hui ni un idéal ni le socle de notre cohésion sociale.
De nombreuses collectivités ont mis en place des cahiers de doléances pour recueillir les attentes et idées de nos compatriotes. D’autres les font désormais participer à leurs choix budgétaires. Ce sont des initiatives salutaires dont nous espérons qu’elles contribueront à traduire en propositions concrètes les demandes soutenues par une majorité de Français·e·s.
Nous en sommes persuadés, c’est dans les territoires, au plus près des citoyen·ne·s, que les fils du dialogue républicain pourront être renoués. Si les objectifs sont partagés, les solutions doivent correspondre aux réalités locales. C’est l’esprit même de la décentralisation. Et qui mieux que les acteurs·rices locaux·ales pour dire ce dont ils ou elles ont besoin ?
Nous ne sommes pas dupes des intentions de l’exécutif avec ce « grand débat ». Les vœux du président de la République ont laissé peu de place à un changement de cap. Pourtant, c’est bien autour d’une autre répartition des richesses et d’une égalité territoriale réelle que la France sera en capacité de retrouver la voie d’un destin commun.
Cette obligation ne saurait se contenter de faux-semblants ou d’une mise en scène théâtrale destinée à détourner un temps nos concitoyen·ne·s de leurs difficultés. Faire vivre notre démocratie, partout sur le territoire national, est la condition nécessaire pour apporter des solutions justes et durables, qui répondent aux enjeux de notre pays en particulier, et de notre planète en général.
Pour ce qui nous concerne, nous sommes prêts à relever ce défi et à prendre toute notre part dans un contrat commun en étant les garants d’une démocratie nouvelle, participative, continue et de proximité.
Stéphane Troussel, président du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis
Philippe Martin, président du Conseil départemental du Gers
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