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Le revenu de base est au cœur des solidarités nouvelles : notre tribune dans Libération

Publié le mardi 10 juillet 2018

L’annonce du report du plan de lutte contre la pauvreté à la rentrée ne doit pas se doubler de mesures cosmétiques. L’urgence sociale exige une stratégie ambitieuse. Des propositions sont sur la table. Contre toute fatalité face aux mutations du travail et de notre modèle social, nos treize départements, responsables des solidarités humaines et de la cohésion territoriale, ont décidé de porter devant l’opinion publique un projet d’expérimentation du revenu de base.

Pendant six mois, en partenariat avec la Fondation Jean-Jaurès, nous avons associé les citoyens à travers un questionnaire en ligne qui a obtenu près de 15 000 réponses, bénéficié des échanges recueillis autour de petits groupes de parole et travaillé avec les meilleurs experts des politiques publiques. À Bordeaux, le 6 juin dernier, nous avons présenté une proposition d’expérimentation d’un revenu de base audacieux socialement, crédible scientifiquement et soutenable financièrement.

Dans notre système social, le coût de la lutte contre la pauvreté reste aujourd’hui modéré. L’ensemble des dépenses dédiées est estimé à 2,6% du PIB, avec comme résultat une réduction de la pauvreté monétaire qui passe de 24% avant redistribution à 13,4% après, ce qui constitue l’une des meilleures performances au niveau européen. Ce dispositif social est aussi un outil de prévention efficace contre les ruptures de vie, certaines bien connues, d’autres plus nouvelles.

Ce constat ne doit pas masquer deux injustices majeures du système actuel de prestations sociales, et en particulier du RSA: 35% d’ayants droit n’en font pas la demande et les jeunes de 18–24 ans en sont pour l’essentiel exclus, alors que leur taux de pauvreté atteint 25%.

Face à l’intensification et à la diversification de la précarité, dues en particulier à l’éclatement du salariat et à l’érosion du lien social, nous avons fixé trois objectifs à notre revenu de base:

– la résorption de la grande pauvreté, grâce à l’automaticité du dispositif pour couvrir ceux qui n’accèdent pas à leurs droits, et à l’extension de son éligibilité aux moins de 25 ans ;

– le soutien aux travailleurs qui n’arrivent pas à tirer un revenu décent de leur activité: employés et ouvriers à bas revenus, agriculteurs, artisans, temps partiels, etc. ;

– l’autonomie des projets de vie et le soutien à la pluriactivité (aidants, bénévoles, initiatives, etc.), grâce à l’inconditionnalité du dispositif, afin de repenser l’accompagnement social et professionnel des personnes au regard, notamment, des profondes évolutions du travail.

Notre revenu de base ne s’oppose pas à la valeur travail. Bien au contraire, il nous permettra de mieux accompagner de véritables parcours d’insertion et d’activité, en faisant évoluer le travail social du curatif vers le préventif, et en développant des dispositifs socialement innovants. Loin de n’être qu’un outil de développement social, c’est aussi un outil de développement économique, un investissement social.

Le président de la République écrivait dans sa préface d’un livre consacré à Michel Rocard, le père du RMI: « Expérimenter avant de faire, évaluer avant de juger ». Nous avons bien noté la volonté du chef de l’État et du gouvernement de simplifier le droit à l’expérimentation, en s’appuyant sur les projets issus des territoires, ainsi que notre système de prestations sociales. C’est tout le sens de notre contribution.

C’est pourquoi nous attendons de l’État qu’il porte une forte volonté, égale à la nôtre, de mettre en place des outils efficaces de réduction de la grande pauvreté et qu’il autorise l’expérimentation du revenu de base sur les territoires le souhaitant, tout en l’accompagnant techniquement et financièrement à travers la création d’un fonds national dédié.

Contre la pauvreté, nous n’avons pas tout essayé. Innover, c’est accepter le droit à l’erreur, mais c’est aussi oser réussir.

Signataires : Jean-Luc Gleyze, président (PS) de la Gironde; Laurent Ughetto, président (PS) de l’Ardèche; Henri Nayrou, président (PS) de l’Ariège; André Viola, président (PS) de l’Aude; Germinal Peiro, président (PS) de la Dordogne; Philippe Martin, président (PS) du Gers; Georges Méric, président (PS) de la Haute-Garonne; Jean-Luc Chenut, président (PS) d’Ille-et-Vilaine; Xavier Fortinon, président (PS) des Landes; Pierre Camani, président (PS) du Lot-et-Garonne; Mathieu Klein, président (PS) de Meurthe-et-Moselle; Alain Lassus, président (PS) de la Nièvre; et Stéphane Troussel, président (PS) de Seine-Saint-Denis.