Tribune / Faire du Grand Paris Express un objet politique qui change la vie des Franciliens
Publié le vendredi 24 octobre 2025
Avec ses 200 kilomètres de lignes automatiques, 68 nouvelles gares et plus de 35 milliards d’euros d’investissement, le Grand Paris Express (GPE) est l’un des plus grands chantiers d’infrastructures au monde. Son ampleur le place au rang des travaux haussmanniens. De ceux qui marqueront, pour l’Ile-de-France, un bouleversement sans précédent en matière de mobilités et d’aménagement.
Mais, ce projet colossal n’est pas seulement une prouesse technique. Il peut constituer, à son échelle, une révolution sociale et écologique. A condition d’être considéré pour ce qu’il est : un objet éminemment politique.
Le GPE est tout d’abord une révolution géographique, il opère un décentrement de la capitale et met fin au décrié « plan en étoile » du métro historique parisien. Les espaces dits périphériques deviennent centraux, et les banlieues parisiennes des territoires de mobilité à part entière, plus uniquement définis par la desserte ou l’enclavement que produit un schéma en partance de Paris.
Résultat : le trajet de Saint-Denis à Clichy-sous-Bois passe de 58 à 27 minutes, entrainant une révolution du rapport au temps et un quotidien simplifié, en particulier pour celles et ceux qui subissent le plus la complexité des trajets. Parmi ces derniers, les fameux « premiers de cordée » qui font vivre l’économie francilienne, et les femmes en particulier, souvent contraintes à des mobilités en chaîne liées aux charges domestiques.
Le GPE peut donc être un outil d’émancipation, dès lors que cette dimension est intégrée dès la phase de chantier. Car, comme l’a démontré le sociologue Vincent Kaufmann, la mobilité ne se résume pas à la faculté d’aller d’un point A à un point B : elle est un enjeu de pouvoir et un champ où se cristallisent les inégalités.
C’est cette même lucidité sur les inégalités territoriales qui doit guider les pouvoirs publics dans la révolution foncière que représente le GPE. Avec 32 millions de m2 à transformer ou à créer autour des quartiers de gare, ce projet urbain doit répondre aux aspirations communes de la population francilienne : se déplacer, se loger, se nourrir, mais aussi respirer et se divertir.
Cela soulève des craintes légitimes, inhérentes aux grands projets, mais ne pas s’en saisir, au nom de ces appréhensions, serait une erreur. Il faut agir pour assurer une justice foncière du GPE : les abords des gares appartiennent à ceux qui les vivent, les habitent et les animent. Les gares ne peuvent plus simplement être un fragment de passage, traversées sans être vécues, mais ont vocation à être des morceaux de ville à part entière et des espaces publics, dont l’accessibilité pour tous et la diversité des modes de déplacement sont réfléchis. Elles doivent participer à l’adaptation de notre région aux situations climatiques extrêmes que nous commençons à vivre, en devenant des espaces rafraichis et végétalisés.
La réponse à ces grands enjeux ne jaillira pas d’un « ordre spontané », ni même d’arbitrages techniques à l’abri des regards. C’est à la puissance publique, aux élus et aux habitants de se mêler de cet objet politique. Ne pas le penser comme tel revient à se priver d’un formidable levier pour améliorer les conditions de vie et de mobilité de millions de franciliens. Cela suppose une vision stratégique et une gouvernance de l’Etat au plus haut niveau, aux côtés de toutes les collectivités, que l’on ne peut pas laisser seules assumer la charge de l’aménagement ou décider chaque projet dans son pré-carré sans vision d’ensemble. Le GPE est le projet d’un siècle. A nous d’en être à la hauteur.
Être à la hauteur, c’est enfin ne pas s’arrêter à ce premier horizon, qui vient repousser les frontières de la capitale pour y intégrer sa banlieue proche. Pour ne pas créer une Ile-de-France à deux vitesses entre le Grand Paris et le reste du territoire francilien, il faut dès aujourd’hui lancer un acte II du GPE, afin que tous les centres urbains puissent participer à cette révolution des mobilités au profit de l’émancipation de leurs habitants.
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