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La retraite à 64 ans, c’est toujours non !

Publié le vendredi 17 mars 2023

Face au coup de force du gouvernement, la mobilisation doit continuer jusqu’au retrait de la réforme. C’est une crise démocratique que nous traversons et qui laissera des traces.

Nous sommes nombreux à éprouver un sentiment d’écœurement et de colère devant le recours par le gouvernement à l’article 49.3. Face à l’opposition de la majorité écrasante des Français, qui sont 7 sur 10 à rejeter ce projet, et même 9 actifs sur 10, face à une mobilisation sociale historique, face à l’unité syndicale, face à la représentation nationale, le gouvernement a fait le choix insensé de passer en force. C’est un bras d’honneur à la démocratie représentative, à la démocratie sociale, et par conséquent à la démocratie tout court.

Voici le point d’orgue d’une réforme des retraites qui aura été d’un bout à l’autre une pantalonnade totale : des mensonges grossiers autour de la pension minimale à 1200 euros, aux éléments de langage proprement ahurissants– « la réforme est juste », « c’est une réforme de gauche », « la réforme ne fait pas de perdants » – en passant par le musèlement du parlement à travers l’utilisation d’un véhicule législatif inadapté pour raccourcir les débats ou encore le vote bloqué au Sénat.

Alors, les irresponsables de la majorité présidentielle entonnent un refrain connu : l’article 49.3 est inscrit dans la constitution, il est donc légal. Oui il est légal, mais il est extrêmement brutal, qui plus est dans le contexte inflammable que nous connaissons.

Il est brutal lorsqu’il est utilisé par une majorité dont le président a été élu grâce aux voix de beaucoup qui n’accordaient pas un blanc-seing à son projet mais faisaient barrage à la candidate d’extrême droite. Un président qui avait alors affirmé : « ce vote m’oblige ».

Il est brutal lorsqu’il est enclenché sur une réforme qui n’a aucune nécessité. Non, notre système des retraites n’est pas en faillite ! C’est un mensonge. Et même si l’on prenait pour argent comptant l’alarmisme surjoué du gouvernement, d’autres solutions de financement plus justes existaient, qui ont toutes été balayées d’un revers de main par le gouvernement.

Il est brutal lorsqu’il fracture un pays qui sort éreinté de deux ans de crise sanitaire, qui fait face aujourd’hui à une inflation galopante, qui est hanté par les fins de mois difficiles et par la guerre aux portes de l’Europe.

Il est brutal lorsqu’il est activé sur une réforme qui va avoir des effets immédiats sur la vie des gens : près de 3 millions de personnes d’ici 2027 seront touchées par le report de l’âge légal à 64 ans et par l’accélération de la durée de cotisation.

Il est brutal lorsque l’on sait que cette réforme va frapper de plein fouet celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt, sur des métiers souvent plus usants, à savoir en premier lieu les catégories populaires et les classes moyennes. Celles et ceux finalement qui – venant beaucoup de Seine-Saint-Denis – ont tenu le pays debout pendant la crise, à qui le président avait promis une meilleure reconnaissance et une meilleure rémunération, pour leur dire finalement de travailler deux ans de plus.

Il est brutal lorsqu’il s’avère que cette réforme aura pour conséquence d’allonger la période de précarité de celles et ceux qui, avant d’arriver à la retraite, ne sont plus en emploi et passent par la case chômage, RSA, inactivité ou encore Allocation de solidarité spécifique. C’est déjà cet appauvrissement qui avait été constaté après la réforme de 2010 qui a reculé l’âge légal de départ à 62 ans.

Il est brutal enfin lorsque les grands perdants de cette réforme seront en réalité des perdantes : le gros des économies va se faire sur le dos des femmes, en annulant le bénéfice des trimestres acquis grâce à la maternité, en faisant augmenter deux fois plus leur âge de départ par rapport aux hommes.

Devant cette brutalité manifeste, la mobilisation doit absolument se poursuivre pour faire barrage à cette réforme qui est – martelons-le – injuste et injustifiée.

Au niveau de nos institutions, il existe encore des recours qui doivent tous être exploités à fond : une motion de censure sera déposée la semaine prochaine, un recours au conseil constitutionnel sera engagé, et un référendum d’initiative partagée (RIP) pourrait être initié.

Mais en parallèle, la mobilisation sociale ne doit pas faiblir pour accentuer la pression sur le gouvernement. C’est pourquoi, nous devons être nombreuses et nombreux à participer aux actions qu’a décidé d’organiser à nouveau l’intersyndicale et la prochaine journée se tiendra le jeudi 23 mars prochain.

Le prix Goncourt Nicolas Mathieu écrivait récemment sur ses réseaux sociaux : « Un jour, des historiens se pencheront sur cet étonnant moment, au cours duquel un gouvernement aux abois, sans majorité réelle, un pouvoir élu par défaut, une masse de privilégiés suiveurs et éberlués de chiffres mensongers (…) auront réussi à aller contre la volonté et les intérêts de tout un peuple. (…) Ils diront peut-être que ces jours-là emmagasinaient sans qu’on le devine encore la poudre d’explosions à venir ».

Faisons en sorte que les historiens retiennent aussi le formidable mouvement social qui eut lieu alors et faisons en sorte que la colère qui existe aujourd’hui dans le pays trouve un débouché politique en faveur d’une société plus juste et plus apaisée.