Castex

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Renationalisation du financement du RSA en Seine-Saint-Denis : un accord historique !

Publié le mercredi 22 septembre 2021

Hier, j’ai signé un accord exceptionnel avec le Premier ministre Jean Castex pour expérimenter la recentralisation du financement du revenu de solidarité active, le RSA. C’est le résultat d’un long combat politique, de plusieurs années, qui redonnera des marges de manœuvre à nos politiques publiques et nous permettra d’en faire encore plus pour l’insertion économique et sociale des personnes. Voici le discours que j’ai prononcé à cette occasion.

Monsieur le Premier ministre, Mesdames et messieurs les élu·e·s, Mesdames et messieurs,

Nous revenons de l’Ile-Saint-Denis, du site bouillonnant d’activités, dit L’Îlo, où nous avons croisé des personnes en insertion accompagnées par une formidable équipe et je veux remercier Stéphane Berdoulet, le co-directeur d’Halage, pour son accueil. Passionnés, exigeants : voici ce qui ressort à chaque fois de nos échanges avec toute votre équipe et vos partenaires.

Par-delà ce beau projet d’insertion par le travail de la terre, par la production de fleurs locales, je crois que nous pouvons qualifier toutes les actrices et les acteurs de l’insertion en Seine-Saint-Denis, certain·e·s sont présent·e·s ici, de « passionné·e·s et d’exigeant·e·s ».

Passionné·e·s par leur mission dans ce territoire « hors normes » qui ne laisse personne indifférent.

Exigeant·e·s pour redonner confiance et autonomie à des femmes et des hommes aux parcours complexes, fragiles ; exigeant·e·s vis-à-vis des pouvoirs publics pour avoir les moyens d’accomplir leur mission.

Vous avez aussi ici, Monsieur le Premier Ministre, des élu·e·s de la Seine-Saint-Denis, de tous bords politiques, aussi passionné·e·s et exigeant·e·s.

Vous l’avez, je le crois, compris lors des nombreux échanges que vous avez eus avec nous lors de la candidature aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Vous l’avez aussi entendu avec la force du rapport parlementaire Cornut-Gentille sur les défaillances de l’État en Seine-Saint-Denis. Vous l’entendez à chacune de vos visites depuis que vous êtes Premier ministre.

Avec les élu·e·s locaux, nous avons mené, ensemble, de nombreuses actions pour l’égalité et la justice territoriale, et si nous sommes encore loin du compte pour dire qu’elles sont gagnées, aujourd’hui, nous pouvons savourer une avancée significative, une victoire pour la Seine-Saint-Denis.

En effet, l’expérimentation de la renationalisation du financement du RSA est le fruit de longues années de combat politique.

Nous avons multiplié les courriers, manifestations, interpellations, pour attirer l’attention des gouvernements sur ce dossier. Mon prédécesseur Claude Bartolone avait marqué les esprits en votant un budget dit de révolte en 2010. En 2018, accompagné des conseiller·e·s départementaux, de maires et de parlementaires, j’avais même jeté des billets (faux il va sans dire) devant l’Assemblée nationale pour dire notre ras-le-bol !

C’est au nom de ce long combat, que je suis rentré dans ces discussions avec l’État lorsque monsieur le Premier ministre, en octobre 2020 vous m’y avez invité, à la veille de votre déplacement dans notre département pour faire le bilan du plan « Un État plus fort en Seine-Saint-Denis ».

Je l’ai toujours dit avec force : faire reposer une dépense de solidarité nationale sur le budget d’une collectivité territoriale, donc sur le·la contribuable local·e, était une grande injustice. On le sait, le niveau du RSA est déterminé par des facteurs socio-économiques nationaux que les politiques départementales à elles seules ne peuvent enrayer.

Ce que nous avons constaté depuis 2004, date du transfert par l’État du financement du RMI puis du RSA aux Départements, c’est un creusement des inégalités territoriales au détriment des territoires les plus fragiles. Ainsi, année après année, la croissance continue du RSA en Seine-Saint-Denis et de son reste à charge ont asphyxié financièrement nos politiques publiques, à commencer par les politiques d’insertion et a rendu l’exercice budgétaire toujours plus incertain.

Permettez-moi de rappeler ce chiffre du « reste à charge » : 220 millions d’euros en 2020, soit une augmentation de 120% depuis que je suis président de Département. Le RSA, lui, a augmenté de 54% pour atteindre 551 millions d’euros dans le budget 2020 de notre collectivité. Cela représente plus d’un quart de nos dépenses de fonctionnement, et la moitié de l’augmentation de nos dépenses entre 2018 et 2020.

Il était donc urgent, face à cette injustice, que l’État nous entende enfin et accepte cette négociation. Je veux donc vous remercier très sincèrement, monsieur le Premier Ministre, d’avoir été au bout de cet engagement et d’avoir fixé un cap qui nous permet de signer ce protocole aujourd’hui.

Je veux remercier les ministres Jacqueline Gourault, Olivier Véran, et Olivier Dussopt et leurs collaboratrices et collaborateurs, ainsi que ceux de Matignon avec lesquel·le·s nous avons beaucoup travaillé pour arriver à ce protocole d’accord. Merci aussi à M. le Préfet, vous-même M. Witkowsk,i et votre prédécesseur George-François Leclerc ainsi qu’Anne-Claire Mialot, la préfète à l’égalité des chances, pour avoir compris l’enjeu pour le territoire. Permettez-moi aussi de remercier le directeur général des services du département, Olivier Veber et son équipe qui y ont mis beaucoup de leur temps et convictions avec une boussole : l’intérêt de la Seine-Saint-Denis.

Alors que je m’apprête à signer ce protocole qui me permettra de proposer la candidature du Département à l’expérimentation de renationalisation du financement du RSA à l’assemblée départementale du 30 septembre, quel est l’intérêt de la Seine-Saint-Denis ?

Dès le départ, j’ai indiqué à l’État le fait que la négociation ne devait pas uniquement nous dispenser de payer le RSA dans les années futures mais qu’elle devait permettre au Département d’augmenter très fortement les moyens que nous consacrons à l’insertion et, en outre, de retrouver des marges de manœuvre financières à réinjecter dans nos autres politiques publiques.

Aujourd’hui, je crois pouvoir affirmer que nous mettons fin à une injustice budgétaire qui nous faisait supporter près de 20 millions d’euros supplémentaires chaque année au titre du paiement du RSA. En 2021, il est déjà à 570 millions d’euros !

Ainsi, cette expérimentation sur cinq ans permettra :

  • tout d’abord, de figer la dépense de RSA aux environs de son montant de l’année 2019 soit avant la crise sanitaire pendant laquelle le RSA a augmenté de 6% en Seine-Saint-Denis ; cela signifie que nous n’aurons plus à financer sa croissance potentielle ;
  • ensuite, avec les marges de manœuvre financières retrouvées, nous allons doubler les moyens que nous consacrons à l’insertion et les mettre en adéquation avec les besoins réels du territoire ;
  • enfin, les marges retrouvées vont nous permettre d’accroître nos dépenses d’équipement, tout en stabilisant notre dette dans les prochaines années.

Dans l’un des Départements les plus pauvres de France, qui fait partie de ceux dont la population a le plus souffert pendant la crise sanitaire et sociale, où nous construisons en moyenne un collège par an pour faire face aux hausses démographiques, cette nouvelle capacité d’action sera essentielle.

Cela ne veut pas dire que nous devenons un Département riche, mais tout simplement que nous pourrons devenir un Département avec des ratios financiers normaux, qui regarde l’avenir plus sereinement.

Car, derrière ces chiffres, il y a bien des politiques publiques favorables aux habitants et habitantes de la Seine-Saint-Denis que nous allons renforcer.

Monsieur le Premier ministre, c’est ce à quoi nous nous engageons de notre côté, et je sais que vous y tenez.

Vous l’avez compris, le Département conserve le périmètre plein et entier de sa compétence en matière d’insertion, à savoir l’orientation des bénéficiaires du RSA vers un service référent et l’accompagnement de celles et ceux qui auront été orienté·e·s vers un parcours social ou socio-professionnel. Nos moyens consacrés à l’insertion vont augmenter dès 2022, avec 10 millions d’euros supplémentaires, et à compter de 2023, ils vont doubler. C’est un effort sans précédent !

Tout cela est très concret : doublement du nombre de référent·e·s dans les parcours sociaux et socio-professionnels, doublement du nombre de places dans nos actions d’insertion d’ici 2026.

Cela signifie que les bénéficiaires du RSA seront mieux orienté·e·s et mieux accompagné·e·s au retour à l’emploi. Notre territoire et ses habitant·e·s le méritent. Nous souhaitons construire ce nouveau projet en faveur de l’insertion avec les actrices et acteurs concerné·e·s, du public comme du privé.

Nous aurons besoin d’innover et de sortir de nos habitudes. Je souhaite que nous puissions lancer une COP, une Conférence des parties, de l’insertion en Seine-Saint-Denis. Je sais que de nombreux acteurs et actrices présent·e·s aujourd’hui sont prêt·e·s pour cela.

Il y a, pour les élu·e·s et actrices et acteurs locaux que nous sommes, une grande responsabilité : celle de pouvoir mieux travailler à ne laisser personne sur le bord du chemin, à rendre leur dignité aux personnes fragilisées par la perte d’emploi, par le déclassement. C’est un enjeu pour toute la société.

Je vais conclure simplement en vous disant que je mesure qu’une bataille est gagnée mais qu’elle doit en appeler d’autres pour ce territoire et ses habitant·e·s.

Tout ne sera pas réglé pour la Seine-Saint-Denis avec cet accord mais, avec lui, c’est un peu plus de justice et d’égalité pour la Seine-Saint-Denis.

Puisque j’ai appris qu’un un pas en avant vaut mieux que mille programmes, je suis heureux et fier de pouvoir proposer la candidature du Département à cette expérimentation au vote de l’assemblée départementale dans quelques jours.

Je vous remercie.