Marianne

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Faire vivre la République et réveiller la démocratie

Publié le mardi 3 mars 2020

Depuis plusieurs années, le sentiment partagé se répand que la République s’est affaiblie.

Sur certains territoires, elle semble moins présente, suscite moins l’adhésion à ses valeurs, elle est moins reconnue, et parfois même rejetée avec violence. Pourtant, à ce modèle de fonctionnement de la vie publique, qui porte l’intérêt général, la communauté d’esprit et qui s’oppose au pouvoir d’un.e seul.e ou de quelques-un.e.s, nous sommes profondément attaché.e.s : il représente une fierté de notre histoire.

De nombreux.ses hommes et femmes politiques, dont je suis, font en permanence référence dans leurs discours aux valeurs de la République. Mais nos paroles ne semblent pas, ne semblent plus, porter. Elles sonnent creux pour un nombre croissant de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Puisque notre République est, si j’ose dire, notre bien commun le plus sacré, alors nous devons redonner corps à ses valeurs.

Pour cela, chaque citoyenne, chaque citoyen, doit avoir dans sa vie quotidienne la conviction que les valeurs républicaines – Liberté, Egalité, Fraternité – s’appliquent concrètement. Il faut donc une réponse politique à ces enjeux, or elle ne peut se limiter à une réponse dominée par la dimension sécuritaire. Bien sûr, il faut des policier.e.s pour faire respecter les lois de la République, en particulier dans les quartiers populaires où les habitant.e.s sont les premières victimes de l’insécurité. Mais si nous réduisons la reconquête républicaine à plus de policier.e.s, alors nous avons perdu.

En effet, comment faire l’expérience de la liberté, lorsque le quotidien de nombre de nos concitoyen.ne.s se compose trop souvent de contraintes et de limites subies ? La liberté d’étudier, limitée par la réforme de Parcoursup ; la liberté de se déplacer, virtuelle lorsque l’on manque de transports performants et sûrs ; les libertés publiques, affaiblies quand le droit de manifester en toute sécurité n’est pas garanti.

De la même manière, comment faire l’expérience de l’égalité, alors que les inégalités économiques et sociales font rage et que les écarts de revenus s’accroissent ? Alors que notre système éducatif reproduit les inégalités au lieu de les réduire ? Alors que les inégalités femmes-hommes persistent, les femmes percevant en moyenne 25,7% de salaire en moins que les hommes ?

Enfin, comment faire l’expérience de la fraternité, lorsque les discriminations frappent toute une partie de la population française ? C’est prouvé : une personne au nom à consonance maghrébine a 25% de chance en mois d’obtenir un contact positif au cours d’une recherche d’emploi. Comment faire l’expérience de la fraternité, quand la laïcité est trop souvent dévoyée pour en faire un moyen de discrimination ? Comment faire l’expérience de la fraternité, lorsque l’on ferme nos portes aux réfugié.e.s politiques, économiques, climatiques ? C’est la tradition d’accueil de notre pays face une crise migratoire sans précédent qui est en danger.

En parallèle, la vitalité démocratique s’amoindrit ; la participation aux élections s’érode ; la démocratie sociale et parlementaire est régulièrement court-circuitée, comme on peut le constater avec la réforme des retraites ; la confiance de nos concitoyennes et de nos concitoyens vis-à-vis des partis et des responsables politiques est abîmée. Dans ce contexte, la confrontation d’idées et l’idéologie passent au second plan, derrière la communication et les éléments de langage formatés.

Pourtant, depuis plusieurs années, il existe des raisons d’espérer, des signaux pour un renouveau possible. Les citoyennes et les citoyens montrent leur goût de la démocratie. Lors des mobilisations telles que celles de « Nuit debout » ou des gilets jaunes, le désir de donner son avis, d’être entendu était fort ; de nombreux budgets participatifs sont créés par les collectivités locales, ils rencontrent souvent un franc succès ; le Référendum d’Initiative Partagée (RIP) a réuni 1 051 226 signatures à ce jour.

Comme le dit notamment Pierre Rosanvallon, la démocratie ne consiste pas à mettre un bulletin dans l’urne tous les cinq ans. C’est aussi prévoir des temps de respiration et de vie démocratique dans l’intervalle, et cela passe par la démocratie sociale, la démocratie participative, la démocratie locale, la démocratie parlementaire.

Face à ces deux crises, républicaine et démocratique, qui se font écho, nous avons deux devoirs :

Le premier, c’est celui de faire vivre la devise de la République, comme la gauche a su le faire par le passé, en créant de nouveau droits, de nouvelles libertés et de nouvelles solidarités.

Plus de liberté, avec la création d’un revenu de base, qui permettrait aux plus pauvres d’être moins contraints par le besoin vital d’argent qui limite considérablement les choix.

Plus d’égalité, par l’augmentation des salaires et une réforme fiscale pour remettre en place une redistribution des richesses totalement détruite par cette majorité.

Plus de fraternité, avec un plan de lutte contre les discriminations, en rappelant que la laïcité est le gage d’une société émancipée et universelle, et non l’instrument d’une fragmentation délétère.

Plus de fraternité également, avec le soin et la bienveillance de la société toute entière à celles et ceux qui en ont besoin (accueil digne des réfugié.e.s, inclusion des personnes en situation de handicap, adaptation de notre société au vieillissement…).

Le second devoir, c’est de raviver la démocratie. Il faut en finir avec l’extrême présidentialisation. Le rôle du Parlement doit être renforcé, la démocratie sociale respectée, et de nouvelles méthodes de démocratie directe inventées.

Une course de vitesse est désormais engagée avec celles et ceux qui prospèrent sur les souffrances et la désespérance. Il y a urgence. Chacune, chacun peut agir. Chacune, chacun doit agir.