Violences scolaires

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Violences entre jeunes : se donner les moyens d’agir

Publié le dimanche 13 octobre 2019

Un lycéen de quinze ans meurt aux abords d’un établissement scolaire, trois jeunes sont incarcérés pour assassinat… mais dans une interview au Parisien dimanche, notre ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, propose de… la transparence sur les chiffres des violences scolaires. Cela sera donc la seule annonce de cette grande interview du Ministre.

Je ne conteste pas son analyse selon laquelle ce drame extrêmement grave ne témoigne pas d’une violence généralisée dans les établissements scolaires et que les causes sont multiples et ne peuvent concerner la seule Éducation Nationale. C’est tout à fait juste.

Néanmoins, je suis très préoccupé par l’incapacité du ministre et du gouvernement dans son ensemble à prendre les mesures qui s’imposent en lançant une mobilisation générale pour faire des établissements scolaires et de leurs abords des îlots de sérénité et de confiance. Cette mobilisation générale doit être pilotée par l’État car il est de sa responsabilité de mettre autour de la table les collectivités territoriales au titre de certaines de leurs compétences, la justice et plus spécialement la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), les associations de quartier ou de prévention, la Police, les fédérations de parents d’élèves, les représentant.e.s de la communauté éducative et notamment les chef.fe.s d’établissement. Le fameux « partenariat » que chacun.e appelle de ses vœux à longueur de discours aurait bien besoin de sortir de son impuissance pour produire des effets sur le terrain.

Suite à ce drame, une première réunion partenariale s’est tenue, à la demande des maires, mais elle ne saurait être suffisante.

En Seine-Saint-Denis, nous savons de quoi nous parlons car depuis plusieurs années, avec l’Éducation nationale et les villes, le Département agit sur le climat scolaire. D’abord en appliquant dans les collèges, bien souvent, les consignes des diagnostics de sécurité réalisés par les services préfectoraux sur les établissements scolaires (caméras de contrôle des flux d’entrée/sortie, sas d’entrée, parvis intérieur/extérieur…) mais surtout en mettant en place des actions de prévention comme ACTE, pour « Accueil des Collégien.ne.s Temporairement Exclu.e.s », qui prend en charge les élèves exclu.e.s pour quelques jours afin de donner du sens à la sanction et de la rendre utile.

Dans ce collège des Lilas aux abords duquel le jeune Kewi est décédé, mais aussi dans les autres collèges du secteur, ces actions existent. Nous sommes même allé.e.s plus loin il y a un an déjà quand un autre jeune avait trouvé la mort suite à une rixe. Nous avions signé avec les villes et l’Éducation nationale la démarche « moi, jeune, citoyen.ne » qui a consisté à travailler à des actions inter-collèges, intercommunales pour que les élèves, quel que soit leur quartier, échangent, se côtoient dans un cadre scolaire. Mais cela n’a pas été suffisant.

Ce n’est tout simplement pas suffisant.

Car la complexité de ces situations nécessite une mobilisation particulière de toutes et tous et elle implique un suivi individuel des jeunes. Ce suivi commence à l’école avec les professeur.e.s, les psychologues scolaires, il se poursuit au collège, au lycée avec des équipes de vie scolaire, les infirmier.e.s, les médecins scolaires, les assistant.e.s sociaux.ales. Il continue encore en dehors de l’école dans le quartier avec parfois les centres sociaux ou de quartiers, les antennes jeunesse, les associations, les clubs sportifs. Il a parfois besoin de la police qui surveille, interpelle mais aussi investigue. Ce suivi, c’est aussi celui la justice avec le ou la juge pour enfants, la protection judiciaire de la jeunesse. Cela peut être celui de l’aide sociale à l’enfance. Ce suivi, c’est enfin évidemment celui des parents, qui ont parfois besoin de conseil et d’accompagnement.

Mais en interrogeant l’ensemble de ces actrices et acteurs, tou.te.s font le constat qu’ils.elles n’ont pas les moyens de faire face à chaque situation souvent par manque de moyens, parfois par désorganisation ou manque de coordination.

Il n’est pas acceptable de constater cette impuissance publique. Ce que je demande aux ministres de l’Éducation nationale, de l’Intérieur et de la Justice, ce n’est donc pas de se contenter de nous faire des tableaux Excel avec les chiffres et d’évaluer les établissements à l’aune de cela. Ce que je leur demande, c’est de réinvestir les services publics au sens large et d’organiser leur capacité à agir. Les collectivités territoriales qui agissent déjà beaucoup au-delà de leurs compétences, seront à leurs côtés.