Réforme territoriale : ne ratons pas une occasion unique de mettre fin aux égoïsmes locaux
Publié le mercredi 21 mai 2014
Contrairement à mes collègues, le débat sur la disparition des quatre départements de la petite couronne (Paris, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne), dont le découpage politico-administratif a contribué, ces 50 dernières années, à accentuer les inégalités territoriales et sociales dans la région la plus riche de France, ne m’effraie pas. Si cette réforme est l’occasion de mettre fin de manière radicale à cette situation intolérable, j’y suis favorable. Mais c’est une condition non négociable.
Je regrette donc que la solidarité et l’égalité territoriale aient disparu du débat public, voire, et c’est plus grave, des objectifs de la réforme : ce n’est pas un bon signal pour un territoire populaire comme la Seine-Saint-Denis. Il est encore temps d’y remédier.
Les économies rêvées par Bercy et par l’Europe des 3%, mâtinées d’un vieux fond démagogique anti-élus dans l’air du temps, ne peuvent pas être la seule boussole d’une réforme territoriale digne de ce nom. Comme si nous étions de dangereux dépensiers irresponsables et que nous ne menions pas depuis des années une gestion rigoureuse pour financer la solidarité à la place de l’Etat. Pour mémoire, le simple versement des allocations de solidarité représente aujourd’hui 584 millions par an pour le Département de la Seine-Saint-Denis. Entend-on par « économies » qu’il faudrait remettre en cause cette dépense indispensable à la solidarité nationale ? Arrêtons de vouloir remplacer le « mille-feuille » par des « tartes à la crème ».
Beaucoup de questions importantes restent posées, au-delà des seuls débats constitutionnels, passionnants pour le microcosme mais inaudibles pour des habitants qui attendent notre action sur l’emploi, sur l’éducation, sur le logement : qui paiera demain les politiques de solidarité en ces temps de crise et sur quoi reposent concrètement les milliards d’économies annoncés ? Peut-on décemment maintenir un Etat départemental sans Département ou le couple inflationniste des intercommunalités et des 36 000 communes ? Que sera l’avenir des agents départementaux qui assurent aujourd’hui des services indispensables ? Que deviendra la ville-département de Paris qui ne peut pas être écartée de la réforme en Ile-de-France sans remettre en cause la solidarité et l’idée même de la métropole du Grand Paris ? Quid d’une fiscalité locale absurde et injuste qui pèse plus sur les habitants des territoires « pauvres » que sur ceux des territoires « riches »? Enfin, comment organise-t-on la représentation démocratique qui fonde toute décentralisation ? Si on veut réussir cette réforme indispensable, il est urgent de dépasser le prêt-à-penser et de s’atteler rapidement à répondre à ces questions fondamentales.
S’il ne sont plus demain des collectivités territoriales à part entière, les départements peuvent continuer à jouer un rôle important, dans une nouvelle organisation, comme territoires de proximité opérationnelle et d’expression démocratique, à la fois pour la Métropole et pour la Région qui n’ont pas à être opposées, en fonction des compétences concernées : c’est une solution pragmatique qui permet à la fois de simplifier, d’aller vite sans recréer une nouvelle cartographie électorale et administrative, et surtout d’assurer l’égalité des territoires.
Si la réforme vise, sérieusement et non à coup d’idées reçues, une nouvelle organisation pour apporter aux habitants de la Seine-Saint-Denis l’égalité territoriale qu’ils réclament, je suis alors prêt à m’y engager à 100%.
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